Interview d'Isabelle Sebri : "accompagner les formateurs dans une dynamique de pédagogique active"

Férue de pédagogie, Isabelle Sebri a été l'une des chevilles ouvrières du projet SENS, elle a contribué à la création du DU Formateur en santé numérique et continue de participer activement au projet en accompagnant les étudiants sur les thèmes de l'ingénierie de formation et de la démarche portfolio. Aujourd'hui, nous discutons architecture, pédagogie bien sûr, et aussi rôle du formateur en santé numérique. 

Peux-tu nous parler brièvement de toi ?

Diplômée infirmière en 1994, j’ai exercé pendant près de dix ans dans plusieurs unités de soins, avant de passer le diplôme de cadre de santé au sein des Hôpitaux Universitaires de Strasbourg. En 2008, comme j’avais la fibre pédagogique, j’ai intégré l’institut de formation en soin infirmiers du groupe hospitalier Saint-Vincent pour devenir formatrice puis coordinatrice pédagogique. Depuis 2019, je travaille à l’Université de Strasbourg en tant que chargée de mission universitarisation sur l’accompagnement pédagogique des formations paramédicales à l’université. Je suis également chargée d’enseignement au centre de formation et de recherche en pédagogie des sciences de la santé, où j’accompagne les étudiants dans leur travail de recherche. Avec le temps, mon travail s’est très éloigné de ma formation première d’infirmière : la pédagogie est devenue mon cœur de métier.  

Quel a été ton rôle dans la genèse du projet SENS ?

C’est en 2022 qu’ont démarré les premières réflexions du ministère, en lien avec l’ANR, sur le développement d’une stratégie du numérique en santé au niveau national. Nous avons été contactés par plusieurs personnes et nous avons participé à différents webinaires pour voir comment mettre en œuvre un projet en lien avec le numérique en santé. Et puis, nous nous sommes mis en ordre de marche à l’université pour répondre à cet appel à manifestation d’intérêt. Nous avons constitué un premier comité de pilotage et le projet SENS a commencé à prendre forme, avec la formalisation de ses différents programmes de formation. Avec la parution du référentiel de compétences en santé numérique pour les professionnels de santé, tout est venu se goupiller au bon moment. Personnellement, j’ai pris part aux différentes réunions, j’ai co-écrit le premier jet de la réponse à l’appel à projet et j’ai apporté mon expertise sur le volet paramédical et maïeutique du projet. J’ai également contribué à la création du DU Formateur en santé numérique sur le volet ingénierie de formation, en attendant que les ingénieures pédagogiques recrutées pour le projet SENS prennent le relai.

Peux-tu nous expliquer en quoi consiste l’ingénierie de formation ?

La meilleure métaphore qui me vient à l’esprit, c’est celle de l’architecte. C’est lui qui imagine la construction de la maison en lien avec la volonté des personnes qui vont l’habiter. Il réfléchit à l’agencement des pièces, aux matériaux à utiliser, au budget, etc. C’est exactement le rôle d’un ingénieur de formation : imaginer l’agencement global, le socle fondamental, le squelette du dispositif de formation en lien avec le besoin des apprenants et le profil attendu à la fin de la formation.

Le DU Formateur en santé numérique, ça sert à quoi ?

L’objectif du DU, c’est d’apporter aux futurs formateurs en santé numérique les compétences nécessaires pour former les étudiants en santé, à partir du référentiel en santé numérique. Il y a deux volets dans ce programme de formation. D’une part, le DU apporte des connaissances spécifiques en pédagogie, autour des dynamiques de la pédagogie active, des outils d’aide à la pédagogie et des outils d’accompagnement des étudiants, mais aussi des pairs. D’autre part, il prodigue des connaissances dans le domaine de la santé numérique, pas nécessairement des connaissances "expertes", mais plutôt de "réseau" : savoir sur quelle connaissance et quel outil s’appuyer pour former correctement. Pour moi, il est important que les formateurs connaissent et maîtrisent la santé numérique, mais ce n’est pas primordial : il est plus important qu’ils sachent sur qui s’appuyer et qu’ils arrivent à faire appel aux bonnes personnes, quitte à travailler en binôme avec un expert technique de la santé numérique. Développer spécifiquement des connaissances en santé numérique, c’est l’objectif de notre autre DU qui porte bien son nom : le DU Compétences numériques en santé.

Qu’enseignes-tu dans le DU Formateur en santé numérique ?

Je fais un premier cours sur l’ingénierie de formation qui s’inscrit dans la continuité pour moi car cela fait seize ans que je suis imbibée de pédagogie et que je continue de développer mes compétences dans ce domaine. C’est un sujet qui m’anime ! J’accompagne également les étudiants autour de la démarche portfolio. C’est très important car c’est la formalisation du développement professionnel de n’importe quel enseignant. L’objectif de la démarche, c’est de se poser la question : qu’est-ce que j’ai appris en tant que formateur qui va m’aider à développer mes compétences ? C’est une démarche d’amélioration des compétences et des connaissances qui va bien au-delà du DU.

Quels sont tes retours sur la première promotion du DU Formateur en santé numérique ?

J’ai reçu des retours positifs sur mes enseignements, ce qui confirme la nécessité d’accompagner les formateurs en formation continue dans une dynamique de pédagogique active. Je pense aussi que nous devons clarifier nos objectifs de formation, peut-être apporter quelques modifications au contenu du DU pour que nos apprenants ne se sentent pas démunis sur l’aspect numérique en santé. Nous devons sans doute prendre du recul et nous poser la question : qu’est-ce que nous attendons d’un futur formateur en santé numérique ? La notion de profil de sortie doit peut-être être clarifiée.

Santé numérique : panique ou déclic ?

Les deux ! Je pense que c’est la panique parce que je me suis beaucoup questionnée et je me suis dit que je devrais peut-être faire le DU Compétences numériques en santé. Je sens que j’ai une marge de progression phénoménale sur la notion de numérique en santé. Il y a beaucoup de choses que je sais, mais il y a aussi énormément de choses que je ne sais pas ! C’est important que je maîtrise le sujet vis-à-vis de mes étudiants à l’université. Et puis déclic pour les mêmes raisons, car cela m’a fait prendre conscience que je devais m’y mettre !

Propos recueillis par Pauline B. | 26/04/2024

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